Le continuum de sécurité en débat

La réussite sécuritaire des Jeux Olympiques 2024 a montré l’intérêt de favoriser les complémentarités entre sécurité publique et privée et de s’appuyer sur les nouvelles technologies. Une expérimentation concluante, alors que les freins réglementaires demeurent.

Le succès des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris sur le plan sécuritaire est à mettre en grande partie au crédit du continuum de sécurité, qui a permis de disposer des ressources humaines, matérielles et technologiques nécessaires pour faire face aux diverses menaces. La collaboration entre forces de sécurité intérieure et sécurité privée, mais aussi les moyens technologiques déployés, ont rendu possible l’atteinte des objectifs fixés. Alors que ces JOP ont été l’occasion d’expérimenter de nouvelles technologies de sécurité, une enquête du Continuum Lab, think-tank des métiers de la sécurité et de la justice, révèle que 87 % des Français sont favorables à l’utilisation de la vidéoprotection dans les espaces publics (41 % se disant tout à fait favorables). 76 % des personnes interrogées estiment également que la vidéoprotection contribue directement à la résolution des enquêtes.

Acceptation citoyenne

Les réponses indiquent la bonne acceptation globale de cette technologie : 65 % des Français considèrent ainsi l’IA comme un outil utile pour les forces de sécurité, là où 33 % expriment des préoccupations quant à son impact potentiel sur les libertés individuelles. Cette question de l’atteinte aux libertés rend complexe la généralisation de l’usage de ces nouvelles technologies, que ce soit dans le domaine public ou dans les espaces privés, comme l’a illustré la loi relative aux Jeux Olympiques et Paralympiques, qui a souhaité encadrer les dispositifs mis en place. Pourtant, on se rend compte que les enjeux sécuritaires des banques concernent aujourd’hui davantage des problèmes comportementaux comme les incivilités que le détournement de cash. Alors que des solutions opérationnelles basées sur l’IA voient le jour pour y répondre, il est fondamental d’établir rapidement un cadre légal pour pourvoir en bénéficier.

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La vision d’un expert

Après une mise en place informelle, par le bas, en réponse à des événements ponctuels, la coopération public-privé sur la sécurité doit être normalisée, estime Guillaume Farde, maître de conférences à Sciences Po.
Auteur d’un ouvrage remarqué sur le sujet (Le continuum de sécurité nationale. Quelles externalisations pour demain, éditions Hermann), l’universitaire Guillaume Farde en a ainsi évoqué les enjeux lors d’une conférence chez Preventica : « Le continuum de sécurité, c’est l’idée que l’Etat et les forces de sécurité intérieure de l’Etat ne seraient plus les seuls aujourd’hui à pouvoir assurer les missions de sécurité intérieure, et qu’ils partageraient ces missions avec d’autres, ces autres étant les polices municipales et la sécurité privée. De ce fait, la sécurité privée et les polices municipales se sont développées en France au point qu’on leur a confié progressivement, dans le temps long de l’histoire, un nombre de missions qui autrefois étaient assurées par les forces de police et les forces de gendarmerie exclusivement.

Les attentats de 2015 et les manifestations des gilets jaunes ont beaucoup accéléré la coopération entre secteur public et secteur privé. Les problématiques d’ordre public qui se sont posées à cette occasion ont entraîné des modes de coopération assez inédits. Chaque vendredi, le préfet de police de Paris recevait les représentants de la sécurité privée et les directeurs sûreté des entreprises pour partager l’information sur les manifestations à venir. Ensuite, pendant les manifestations, les acteurs publics et privés partageaient aussi leurs informations dans le but d’améliorer la sécurité des personnes et des biens. Cette coopération public-privé, qui a continué pendant les JO, est aujourd’hui informelle. Elle s’est faite par le bas, par la base, à la faveur des événements et des difficultés qui ont pu se présenter. Le défi qui se pose à présent, c’est celui de la normalisation de cette coopération. Il va falloir la formaliser pour pouvoir l’inscrire dans le temps long. » Cet enjeu constituera un nouveau chantier pour les banques qui doivent veiller à ce que cette formalisation ne soit pas un frein aux nouvelles technologies.

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Précurseur

Cela fait déjà 7 ans que les députés Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue ont formulé leurs 78 propositions pour un continuum de sécurité. Le rapport issu de leur mission parlementaire préconisait notamment d’inclure les sociétés de formation à la sécurité dans les instances de contrôle de la sécurité privée et de mettre en place un encadrement strict des règles de sous-traitance. Il proposait également de transférer à des sociétés privées des missions non régaliennes actuellement assurées par les forces de sécurité de l’Etat.